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17 janvier 2006

Near Amsterdam Avenue

C‘est là que j’ai osé. C’est là que j’ai cédé, me libérant des convenances et du regard des autres. Nous en avions trop envie, ton regard qui plongeait dans le mien, l’air joyeux du début de l’automne, New York bruissant encore des senteurs de l’été. Notre amour valait plus que tout autre chose et rien n’existait que de nous savoir ensemble, cette sensation remontant du tréfonds de nous-même qui chantait avec force ce « parce que c’est lui, parce que c’est moi » qui n’avait jamais semblé aussi vrai, aussi fort et déterminant dans mon cœur jusqu’alors. Tu t’es arrêté et tu as serré mon bras, puis nos mains se sont rejointes, nos doigts entremêlés, sans un regard autour de nous, devant cette maison que tu aimes tant, nous nous sommes embrassés, plein de joie, de désir, de la même joie et du même désir. Ce fut aussi fort, aussi puissant qu’une joute amoureuse et son explosion fabuleuse… Mais ce ne fut nullement une petite mort mais plutôt une épiphanie !

16 janvier 2006

La beauté résiste-t-elle au temps qui passe ?

Quand Benoît, échauffé par une piste de danse bondée et quelques verres bien alcoolisés, montre à qui le veut sa belle anatomie de jeune mâle sportif, il dit à tous ceux qui lui tournent autour : "J'suis pas pédé". Pourtant, à aucun moment il n'a remarqué la jolie jeune femme qui ne le perd pas des yeux depuis le début de la soirée et c'est avec son "pote" Jacky qu'il rentrera, celui qui connait et partage tout de ses délires, de ses chagrins et mille autres choses. Mais, jouons le jeu, Benoît, tu es bi bien sur, tu as dix-sept ans, tu ne sais pas encore quel chemin prendre... Tu aimes le plaisir et te sentir désiré te plait et te renverse. Mais arrêtes-toi parfois sur le bord du chemin. A trop changer de route, tu vas te perdre et perdre ton temps. Comme tes frères, ces jeunes loups d'aujourd'hui, tu ne penses exister que lorsque tu vas vite, trop vite. Tu goûtes à tout, tu essaies tout et tu renies tout en moins de temps qu'il m'en fallait à mon âge pour digérer une histoire d'amour quand elle finissait mal. Ce zapping amoureux ne te vaut rien apparemment, j'ai noté ce soir quelques traits un peu affadis, un regard plus lourd, moins d'innocence et déjà, un soupçon de lassitude sur ce visage charmant...

Te souviens-tu de la première neige ?

Nous étions comme deux enfants, t'en souviens-tu ? Nous étions allés chercher cette belle table chinoise en laque rouge chez l'antiquaire de Chinatown que nous avait recommandé Jeff, celle qui me sert depuis de bureau et d'où je t'écris. Il avait commencé de neiger tôt la veille et déjà la ville était toute blanche. Soudain, vers 11 heures, ce fut une véritable tempête. Tout s'arrêta. Des gens riaient, les collégiens surtout. On entendait les sirènes des voitures de police et le bruit des pelleteuses qui dégageaient les rues. Nous étions ivres. L'air était pur comme à la montagne, le ciel s'éclaircissait un peu lorsque nous sommes sortis du métro. Il y avait un bon feu de cheminée à la maison. Mrs Shram avait mis des crumpets au chaud et il y avait du jambon de parme et du parmesan. Nous avons mangé assis sur le tapis devant la cheminée, tournés vers la baie. La neige recouvrait toute la terrasse. C'était beau. Simple. Bête. Nous ne sommes plus sortis pendant deux jours. Je crois que c'est ce week end que Lana nous a envoyé les dernières pages de son manuscrit. T'en souviens-tu ? Nous écoutions Alfred Deller chanter les chansons de Shakespeare ? Nous étions bien dans notre antre de l'Upper West Side. Sous la tempête de neige qui recouvrait New-York, nous étions coupés du monde.

Tu es rentré

Ce fut long, vraiment. Bien sur j'avais beaucoup à faire. ces dossiers importants qu'il fallait boucler depuis décembre et qui trainaient sur mon bureau. Brinkley qu'il a fallu amener chez le vétérinaire car il s'était déchiré la patte en grattant la terre pour dénicher un tesson de bouteille un peu trop coupant. Le peintre qui n'en finissait plus de terminer le plafond du couloir. Mais le soir, quand le silence tombait sur la ville, une douce musique animant le salon vide, devant la cheminée, malgré le livre passionnant, les pâtes d'amandes ramenées de San Sebastian, j'étais seul. Mais tu es rentré ? Finis les partiels (la première partie en tout cas), finies les visites à la famille... Tu es là ce soir, étendu sur le lit,  seulement vêtu de ce caleçon bleu que j'aime, sirotant un Lapsang -souchong en déclamant ces vers de La Tour du Pin que tu adores... 
"Tous ceux qui vous tiennent rancune de les avoir créés si beaux 
Quand la hantise du tombeau les importune..."
Nous irons dîner dehors ce soir. Un endroit tranquille et joli. Le restaurant japonais ? celui au bord du fleuve ou mieux, là haut sur la colline, le bistro paisible où tout est si raffiné ? Tu m'as offert ton cadeau, une magnifique litho d'un artiste que nous aimons. je t'ai donné le tien, Tharaud au piano, Gastinel au violoncelle et le Butor épuisé dédicacé. Après, nous rentrerons. Tu t'endormiras sur mon épaule, sur le canapé devant la cheminée. Nous dormirons enlacés après avoir fait l'amour lentement, paisiblement. Douceur du temps qui va et vient comme un doux rêve d'enfant. Je t'aime et tu le sais. Nous sommes heureux ensemble, en dépit du monde, des autres et des contingences de la société. Nous sommes bien dans ce petit univers feutré qui nous ressemble.

12 janvier 2006

Un poème de Frank O'Hara

On m'a demandé ce que lit le garçon torse nu assis devant une agréable table que j'ai présenté il y a quelques semaines. Attablé devant un délicieux brunch new yorkais dans le charmant Upper East Side... Un jour pas si lointain... Le livre c'est "Lunch Poems" de Frank O'hara, (à gauche en arrière-plan) mort accidentellement sur une plage de Baltimore à 40 ans. Curateur au Musée d'Art Moderne, c'était un poète new-yorkais de grande qualité, un de cette "beat generation", capable de mondanité comme de révolte. Son roommate et son petit copain, Joe LeSueur (le blond à droite sur la photo) a parlé de lui comme d'un homme de joie : "I just met the most terrific person" disait-il.
Ils vécurent ensemble à Manhattan de 1951 à l'année de la mort du poète. O'hara adorait la musique, la peinture, la littérature. Pierre Reverdy était un de ses favoris. Ami de Pollock et de Kooning, quelques uns de mes plus vieux amis new yorkais l'ont connu et en gardent un heureux souvenir. Il n'est pas (encore) traduit en français. Dommage. C'est pour cela, qu'à mes heures perdues, je m’y emploie, mais la difficulté est immense et ce n’est pas (encore) mon métier…

07 janvier 2006

Brinkley | 06 janvier 2006

Brinkley a cinq ans. C'est un brave chien. Calme. Placide même. Joyeux aussi surtout quand il sait que nous allons à la campagne. Il aime courir dans les vignes mais sait se tenir quand il voyage ou que nous sommes invités chez quelqu'un. Il se nomme ainsi en hommage à un de mes films préférés : "You got mail" où un de ses lointains cousins est le chien de Tom Hanks. Il a les mêmes attitudes que ce chien de Hollywood. L'air un peu sot comme les seconds rôles dans ce genre de film, mais toujours fidèle, tendant l'oreille aux propos de son maître surtout lorsque celui-ci ne va pas bien. Un vrai compagnon quoi. Discret. Et puis autre trait de caractère assez rigolo : il adopte toujours immédiatement ceux (et celles) qui sont vraiment mes amis. Je ne parle pas que de mes amants ou de mes maîtresses... Il grogne et montre ses belles dents à tous ceux qui sont susceptibles de perturber son maître ( et lui par la même occasion). Il aime plus que tout David, comme il aime Antoine, qui le lui rendent bien. Quand aux chats, ils s'entendent à merveille avec lui sauf quand cet abruti décide de boire leur lait ou de se vautrer sur leur coussin préféré. Il a le sien, un gros machin en velours bordeaux (origines obligent, on ne se refait pas !) qu'il ne quitte que rarement lorsque nous sommes à la maison tous les deux.