Pages

19 novembre 2011

Un jour comme les autres

Le matin. Toujours la même joie. Celle d'un nouveau jour et des mille possibilités qu'il offre. Ne jamais s'en lasser. David est parti avant moi ce matin. Il a sorti le chien. Le chat dort sur un coin du lit, lové, ou plutôt enfoncé, dans la couette. La lumière qui filtre à travers les volets est grise. Peu importe, c'est une nouvelle journée. On oublie trop que chaque jour est un nouveau miracle. Les garçons se chamaillent dans la salle de bain.  Résister au prosélytisme et ne pas se dire que décidément il se trame quelque chose de fort et de chaud entre le frère de mon amant et son meilleur copain... Ils passent à moitié nus devant ma porte entrouverte. Ils sont beaux tous les deux. De cette beauté innocente et perverse à la fois qui émane des adolescents bien faits et équilibrés. Je ne crois pas que le mode de vie de son frère ait une quelconque influence sur le jeune demi-dieu que je vois grandir et mûrir. Ce que je sais, et que je ressens à les observer tous les deux - c'est que la relation très forte qu'il entretient avec son ami dépasse la simple camaraderie. Ils se sont connus enfants, ils ont grandi ensemble. Sportifs tous les deux, bons élèves, bons fils, ils ont commencé leur vie sexuelle ensemble avec les mêmes filles. Mais autre chose les unit qui rapproche certainement leurs corps la nuit. Ceux qui me lisent et qui se souviennent des dernières années de leur adolescence comprendront ce que je veux dire. Paul n'est pas et ne sera pas homosexuel. Il a seulement la chance - je revendique et milite pour cette notion d'opportunité positive - d'avoir un frère qui préfère les garçons et qui vit avec moi une relation stable depuis suffisamment d’années pour lui servir d'exemple et le rassurer. Les homos ne sont pas tous des folles paumées, des obsédés du cul incapables de bâtir une relation suivie et que seul le cul intéresse.
Paul a ainsi pu laisser monter en lui ce désir polymorphe qui nous vient à tous, naturellement, avec cette énergie nouvelle qui fait pousser les poils, affermir les muscles et rend la voix plus grave. S'il a d'instinct été voir du côté des filles, il a aussi reconnu en lui cet impérieux désir narcissique que la pédagogie antique savait utiliser pour faire un homme au corps et à l'esprit sain, qui pousse le garçon de quinze ou seize ans à mesurer son corps au corps de l'autre, semblable et pourtant autre. Les jeux nocturnes dans les dortoirs, les douches ou les vestiaires sont pareils à ce qui se vivait dans les palestres d'Athènes, de sparte ou d'Olympie. Jouir adolescent du corps de l'autre, en tout point semblable au notre, jusque dans l'expression et les sensations de cette jouissance, est un des actes les plus formateurs, les plus pédagogiques pour le jeune homme. Ceux qui s'y adonnent d'instinct, sans tabou, sans gêne ne seront pas tous perdus pour l'hétérosexualité dominante. Ils grandiront aux côtés d'un tendre ami, ou pour les moins chanceux se contenteront d'une camaraderie sexuelle qui s'achèvera un jour, tout aussi naturellement qu'elle a commencé, avec les poils sur la poitrine et le désir d'enfant.
Paul est de ceux-là. Il a compris aussi - avec son copain - que les filles sont compliquées et que coucher avec elles est toujours assorti de mille contorsions et d'autant de concessions, que le plaisir, certes intense mais toujours bref, qu'elles nous procurent - avant de vivre La véritable histoire de notre vie qui nous mène à la paternité -ne vaut pas le sexe partagé avec un autre nous-même, tendre, viril, ludique et toujours très fort... Bref, David pense que non, mais moi je suis persuadé que la nuit dans la chambre qu'ils occupent ou là, dans la salle de bain, sous la douche, ils se donnent du plaisir et partagent une véritable et tendre amitié de garçons... Mais bon, cette opinion n'engage que moi et ne se base que sur ma propre expérience.
En choisissant depuis mon arrivée à New York? de vivre avec le garçon que j'aime plutôt que seul, passant d'aventures masculines à des aventures féminines, j'ai certes marqué ce que je suis vraiment. Mes lecteurs connaissent mon opposition au mariage homo, mais ils savent aussi que j'ai fait le choix de l'union libre. Si demain le désir d'enfant se fait sentir avec trop d'acuité, je suis convaincu qu'il me faudra faire un énorme travail intérieur pour choisir : continuer de vivre avec le garçon que j'aime ou trouver la fille avec qui j'aurai le désir de fonder une famille. je sais que beaucoup d'entre vous ne seront pas d'accord. J'applique d'instinct la règle que depuis l'antiquité les sociétés et les religions ont établies. Cela ne se passait pas autrement dans la Grèce antique.
J'entends les garçons qui rient dans la cuisine. Brinkley aboie. Le chat a ouvert un œil et s'étire sur la couette. Je vais bientôt me lever. Un jour nouveau. Plein de promesses.

1 commentaire:

Baron Noir a dit…

Bonjour,
Tout d'abord merci pour ce nouveau récit du quotidien, émaillé par une vision intelligente de la sexualité et de sa découverte. Étant un lecteur relativement récent de votre blog, je ne connaissais pas votre opposition au mariage homosexuel avant de lire cet article. Sans doute vos archives recèlent-elles la réponse à mon interrogation, mais je ne l'y ai pas trouvée malgré mes recherches. Aussi je me permets de vous demander pourquoi cela ne vous semble pas possible de fonder une famille avec un garçon ? Par exemple, si le désir de paternité vous anime, d'adopter un enfant et de l'élever avec David ?
Je vous remercie par avance de votre réponse, et je vous souhaite une bonne continuation ; au plaisir de lire votre prochain article !