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31 décembre 2011

Prendre le temps

Voilà bien une chose que les gens ne savent pas vraiment faire ici. Tout n'est que gesticulation, course effrénée, fuite en avant. L'image de l'Amérique hyperactive. Pourtant New York, même si la ville est une gigantesque pile électrique, a parfois des relents de petite bourgade européenne - mais si je vous l'assure - il suffit de vivre au bon endroit et surtout de fréquenter les bonnes personnes. Je connais des dizaines de new-yorkais très cool. L'Algonquin est un hôtel mythique sur la West 44th street, dans le fameux Club Row dans Midtown. J'aime bien y boire un verre avec David après un musée ou des courses. C'est là que mes parents descendent quand ils me font l'insigne honneur de venir me rendre visite (mon père et mon frère présentent parfois nos vins à New York, ce qui est l'occasion de nous voir). Ce n'est pas le meilleur hôtel de Manhattan, loin s'en faut mais il possède un charme indéniable. Et puis il est bourré de petits détails qui font les souvenirs de voyage. 

L'Algonquin par exemple, a un magnifique chat, abonné au comptoir de la réception. On vient de loin pour le voir et il joue un un peu les vedettes. D'ailleurs il a une tête de concierge d'hôtel ! La dernière fois que ma famille était là, ils logeaient dans une suite au 10e étage avec une vue superbe et un décor digne d'un roman de Scott Fitzgerald. En plus - détail que ne gâche rien - les grooms et pas mal de garçons d'étage sont sublimes. J'ai longtemps fantasmé sur les grooms des grands hôtels. Je me souviens d'un jeune liftier au Péra Palace d'Istanbul, le fameux hôtel longtemps terminus de l'Orient-Express. J'y étais descendu avec mes parents. Un soir en rentrant après un dîner dans Péra où j'avais laissé mes parents qui étaient avec des amis que je ne supportais pas vraiment, je me suis retrouvé dans l'ascenseur avec ce jeune turc aux yeux d'amandes. Il avait un sourire magnifique, une gueule d'ange et de jolis cheveux bouclés presque roux. Son uniforme lui allait magnifiquement. Il était bordeaux ou rouge je crois, je ne sais plus très bien. Au moment d'ouvrir la grille de mon étage, nous nous sommes frôlés. Ensemble, nous avons eu un frisson, plutôt une petite décharge électrique. Le même désir...


Je l'ai regardé dans les yeux. Il a soutenu mon regard - nous avions presque le même âge - il m'a dévisagé sans que bouge un seul de ses traits, le regard presque sévère puis un large sourire a éclairé son beau visage. Je me suis retourné une ou deux fois. Il était toujours derrière la grille de fer forgé. Visiblement le même désir attisait son regard et gonflait son pantalon... Puis il a actionné le mécanisme du vieil ascenseur pour redescendre. Je suis rentré dans ma chambre rempli de désir et d'amour. Quelques années plus tard, je lui aurai parlé et nous nous serions retrouvés...

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